Comment dire non à un collaborateur ?

31/07/2015

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Vous avez à animer une équipe de travail composée de collaborateurs à qui vous devez donner des réponses parfois négatives pour le bien de l'entreprise ou de votre service.Quel que soit votre style de management, vos refus peuvent être difficiles à nommer ou avoir des conséquences fâcheuses pour la motivation et l'efficience du collaborateur concerné.

Les circonstances du NON difficile ?

Avec qui est-ce le plus facile et le plus difficile ? Est-ce dans la vie professionnelle, personnelle ou les deux ? Est-ce avec un collaborateur apprécié que vous craignez de blesser ? Votre peur est-elle liée à lui ou à vous-même ?

Notion de responsabilité

Jean-Paul Sartre disait, je suis responsable de ce que je dis et de comment je le dis, pas de comment l'autre le reçoit. Apprenons à repérer ce qui m'appartient et ce qui est à l'autre, en termes de responsabilité, et à ne plus nous laisser impacter par ce qui ne nous appartient pas. Et bien sûr à dire « en bonne et due forme ».

Comprendre, préparer et faire comprendre un refus

Avant de répondre à une demande, j'ai besoin d'analyser en finesse les conséquences d'un oui et celles d'un non sur la personne concernée, certes mais aussi sur moi, le manager, et sur l'environnement, l'équipe, l'entreprise.

Réfléchir en amont, quitte à différer la réponse, préparer mes arguments et anticiper ceux du collaborateur, mesurer l'importance de la demande, est essentiel pour aider le demandeur à comprendre tous les enjeux.

Oser dire non

Dire non nécessite d'être au clair avec ses propres émotions, ses conditionnements psychologiques liés à notre trajectoire de vie. Que j'annonce un refus brutalement et sans discussion ou que je craigne de céder vers le oui signifie la même chose : dire non m'est difficile.

Allons vérifier dans vos programmations ce qui vous bloque et trouver les antidotes nécessaires.

Anticiper et mesurer l'impact

Avant de me prononcer sur la demande, je peux réfléchir à ce qui peut arriver si je dis oui et si je dis non : anticiper les impacts, utiliser le « scénario catastrophe » me permet souvent de relativiser et de mettre en place des actions préventives de démotivation voire de rétorsion. Et la réalité, lorsque j'ai su dire non, est souvent bien loin de ce que j'imaginais a priori.

1. Diagnostic de mon degré de difficulté à dire non

Analysons ensemble là où c'est le plus difficile. Est-ce systématique, avec tous ? Est-ce plus facile à la maison qu'au travail, ou l'inverse ? Y a-t-il des personnalités, des typologies d'individus face auxquelles c'est moins aisé, et lesquelles ? Les fortes personnalités ? Les plus fragiles ? Est-ce pareil avec les femmes qu'avec les hommes ? Est-ce que l'âge influe ? Les gens que vous appréciez ou ceux que vous n'aimez pas ?

Dans la plupart des cas, dire non à quelqu'un nous amène à considérer la personne concernée et ce que notre non peut générer. Vous remarquerez que dans ce cas vous êtes centré sur l'autre, et plus sur ce que vous pensez et surtout ressentez et pour certains, même l'environnement est occulté de la pensée.

Dans ma relation à l'autre, je peux avoir trois postures :

  • être égocentré (ne voir que mon intérêt propre) ;

  • être exocentré (ne voir que l'intérêt de l'autre) ;

  • ou équicentré (voir l'intérêt de l'autre ET de soi ET de l'environnement).

C'est bien entendu cette troisième posture que nous vous invitons à acquérir ici.

Imaginez-vous en train d'expliquer votre refus à la personne, sans justification excessive. Que se passe-t-il dans votre tête ? Dans votre corps ? Quelle émotion ressentez-vous ?

Si à l'inverse vos refus sont trop brutaux, imaginez-vous un peu après votre refus, voyez les conséquences chez la personne, dans l'équipe, dans le service. Que se passe-t-il dans votre tête ? Dans votre corps ? Quelle émotion ressentez-vous ?

J'ai parfois entendu des managers dire : « De toute façon, c'est non et ce n'est même pas discutable. Ils feront avec et s'ils ne sont pas contents c'est pareil ». C'est quand même une difficulté à refuser, car l'apparente sécheresse du propos montre un manque d'écoute des collaborateurs et un manque de communication propre à générer des démotivations, des frustrations plus fortes qu'avec un refus bien exposé.

2. Notion de responsabilité

Le psychologue Jacques Salomé utilise une jolie métaphore pour définir la relation à l'autre. Il dit que c'est comme une écharpe tendue entre les deux personnes : chacun est responsable de 50 % de l'écharpe ; 50 % seulement, mais RESPONSABLE.

Comme manager, c'est vrai, je porte la responsabilité de ma mission, du soutien à la motivation de mon équipe, et d'une ambiance de travail de qualité et d'efficience.

Mais tout de même, je ne peux pas être responsable de la façon de fonctionner de mes collaborateurs, qui ont aussi leur part de responsabilité dans leur comportement professionnel.

Si mon collaborateur est particulièrement susceptible, je peux en tenir compte dans la forme de mon refus, mais s'il prend malgré tout la mouche, il en est pleinement responsable. S'il est fragile et sensible, je peux là aussi mettre les formes pour dire non en douceur, s'il en est malgré tout affecté, c'est sa responsabilité. Dans les deux cas, je peux en reparler avec lui ultérieurement si des attitudes non productives apparaissent, mais en lui montrant aussi sa part de responsabilité et l'impact de son attitude sur le service, l'équipe, les résultats. Soyons attentifs à ne pas confondre manager constructif et psychologue, ce n'est pas le même métier.

3. Mettre du sens et savoir exposer son refus

Lorsque vous recevez une demande, prenez le temps d'y réfléchir, de peser les conséquences du oui et du non sur tout le système et chacun des acteurs qui le compose.

Cherchez aussi en vous ce qui motive vraiment votre envie de dire non, votre envie de dire oui. Est-ce lié à la qualité de la relation avec cette personne ? Est-ce une décision générique que vous ne voulez pas individualiser, une question de principe (et rappelez-vous le sociologue Michel Crozier qui évoquait la règle du jeu et le jeu dans la règle) ? Qu'induirait dans ce cas une exception ?

Cherchez à comprendre aussi la demande de la personne, est-ce un fort enjeu pour elle ? Que se passera-t-il si vous lui dites non ? Comment pouvez-vous l'aider à gérer sa frustration de façon à ce qu'elle ne nuise pas à son investissement professionnel ?

Si la relation est de qualité, vous pouvez même faire ce travail ensuite avec la personne, en lui demandant de réfléchir avec vous à ces différents impacts, et l'amener elle-même à comprendre que sa demande ne peut aboutir, qu'elle ne serait juste ni pour vous, ni pour le service, ni pour ses collègues. Montrez-lui vos contraintes, les limites techniques, structurelles ou financières, n'hésitez pas à lui montrer les éléments probants, lui rappeler les chiffres, les données, lui rappeler les conséquences néfastes d'une décision identique du passé. Faites ensemble une gestion de contraintes pour trouver d'autres éventuelles solutions.

Lors de l'entretien, forcément individuel, accueillez la personne, montrez-lui votre intérêt, la considération que vous lui portez. Dites-lui que votre choix a été difficile et que vous auriez préféré accepter sa demande, si tel est le cas pour vous.

Et surtout soyez à l'écoute de ses réactions verbales et non verbales. Si la frustration est évidente, n'hésitez pas à le lui nommer et à dire que vous le comprenez, mais qu'il n'est réellement pas possible contextuellement de lui dire oui, malgré l'estime que vous lui portez.

Lorsqu'il s'agit d'un collaborateur avec qui, à l'inverse, la relation est difficile, vérifiez qu'il n'est vraiment pas possible d'accepter et qu'il ne s'agit pas de votre part d'une mesure de rétorsion inconsciente, il est beaucoup plus facile de refuser à quelqu'un que nous n'apprécions pas. Et si vous lui opposez un refus, prenez la peine de lui dire ce qu'il fait bien, ses compétences, ses talents lors de l'entretien, et de lui exposer les contraintes qui motivent votre non.

4. Oser dire non

Avoir le courage de dire non est souvent lié à nos programmations inconscientes, que nous appelons avec l'analyse transactionnelle nos « drivers ».

Ils sont au nombre de cinq et sont aussi appelés « injonctions parentales » ou « messages contraignants », même si ce ne sont pas forcément nos parents qui nous les ont inoculés mais aussi l'environnement familial ou scolaire dans l'enfance. Nous les avons tous en nous, mais un ou deux prennent davantage de place que les autres.

Tous ont un intérêt et vous apportent des bénéfices, mais ils peuvent être dangereux s'ils sont en quantité excessive. Vous trouverez en début de fiche, dans la rubrique « Outils à télécharger » un questionnaire pour découvrir vos propres drivers, qui au-delà du caractère un peu caricatural des exemples ci-dessous, ne sont des « poisons » qu'au-delà d'un certain taux.

Si vous avez un driver « sois parfait », vous pourriez avoir tendance à dire non pour des raisons de service et être tiraillé car vous désirez aussi une ambiance de travail parfaite. Rationnaliser la requête vous permettra de peser le pour et le contre et de prendre un risque moindre.

Si vous avez un driver « fais vite », vous risquez de répondre à chaud, sans prendre le temps de réfléchir aux tenants et aboutissants, ou à prendre une décision hâtive. Vous donner volontairement un délai pour l'analyse avant de répondre à la demande sera bénéfique.

Si vous avez un driver « fais effort », vous pourriez à l'inverse passer beaucoup de temps à l'analyse et différer trop votre réponse, puisque vous liez inconsciemment effort et résultat. Vous pourriez également attribuer un niveau de difficulté disproportionné en anticipant des conséquences néfastes exagérées. Se donner un délai raisonnable en accord avec le demandeur, analyser de façon purement factuelle vous aidera dans ce cas.

Si vous avez un driver « sois fort » vous risquez soit de répondre tout net pour montrer votre puissance de manager soit d'être en difficulté pour refuser sans pouvoir en parler à quiconque (la phrase préférée du « sois fort » est : « même pas peur, même pas mal »). Dans le premier cas, posez-vous et réfléchissez à votre décision en vous mettant à la place du demandeur, et de celle des autres collaborateurs et/ou des clients. Dans le second, cherchez avec qui vous pouvez sans risques évoquer votre difficulté. Un de vos pairs ? Votre N+1 ? Le DRH ? Un coach interne ? Votre conjoint ? Un ami ?

Et si vous avez un driver « fais plaisir » sans doute aurez-vous du mal à dire non de peur de blesser ou de ne plus être aimé du demandeur. Là aussi, une analyse factuelle en amont, un entretien cordial avec la personne avec une gestion de contraintes à quatre mains vous aidera à éviter le premier piège. Si vous avez peur de ne plus être aimé, c'est que vous avez à renforcer votre posture managériale : des formations sur l'assertivité et le leadership ou un coaching vous aideront à vous détacher de cette problématique.

5. Anticiper et mesurer l'impact

Très souvent, lorsqu'il nous est difficile de dire non, nous imaginons la réaction de l'autre et les répercussions. Toutefois, cette projection se fait de façon rapide et émotionnelle. Nous vous invitons donc à noter, écrire (éventuellement sous forme de Mind map) ce qui peut arriver, réellement, si vous dites oui, et si vous dites non à la personne sans chercher à être spécialement factuel.

Puis vous imaginez un scénario catastrophe : qu'est-ce qui pourrait arriver de pire sur une échelle de 0 à 10 ? Ensuite vous évaluez le pourcentage de probabilités que cela survienne, pour chacun des risques notés, et cherchez un moyen, une méthode, pour atténuer ce pourcentage.

Ensuite, vous reprenez votre Mind map ou liste et factualisez chacun des points préalablement notés.

Vous verrez que la réalité présumée a changé de visage, et si la situation est à risques, vous pouvez confronter vos hypothèses avec un tiers (un collègue, votre N+1) afin de prendre encore du recul.

Pourquoi est-ce important pour le demandeur ?

  • renforce la confiance dans le manager que vous êtes ?

  • l'aide à mieux gérer ses frustrations ?

  • renforce le sentiment d'appartenance au système (Maslow) ?

  • aide à mieux gérer les contraintes et à ne formuler une demande que lorsqu'elle est importante ?

Pourquoi est-ce important à réaliser pour le service, l'entreprise, les collègues, etc. ?

  • permet davantage d'équité entre les membres du service ?

  • favorise un climat social apaisé ?

  • permet de gérer les contraintes et donc d'assurer mieux les résultats ?

  • montre le professionnalisme du manager ?

Pourquoi est-ce important pour lui et son collaborateur ?

  • renforce à long terme la relation entre les deux ?

  • augmente la confiance mutuelle ?

  • le collaborateur peut-t-il le modéliser le jour où il managera lui-même ?

Quelles seraient les répercussions s'ils ne savaient pas faire ?

  • injustices internes, tensions, conflits collectifs ?

  • manque de crédibilité du manager dans l'équipe et pour la hiérarchie ?

  • perte de clientèle si impact sur la qualité du service ?

  • non-aboutissement des projets (perte de chiffre d'affaires, image) ?

Exemples de problèmes vécus récemment

Michel travaille dans une entreprise technique où il existe des astreintes. Excellent ouvrier, bon communicant, il a été nommé chef d'équipe depuis deux ans auprès de ses anciens collègues, avec qui il s'entendait très bien.

Calme, posé et serviable, il a à coeur la qualité du travail et la satisfaction client à qui il a envie de « rendre service ».

La première semaine où Michel a été nommé chef d'équipe, chacun de ses 5 collègues avait de bonnes raisons de ne pas prendre l'astreinte, il s'en est donc chargé. Les semaines suivantes il a accepté de les prendre trois fois sur quatre eu égard aux difficultés personnelles de chacun de ses collaborateurs : l'un allait être papa, l'autre devait assister un membre de sa famille, le troisième avait gagné un week-end loin à un concours. Bref tous avaient d'excellentes raisons de ne pas travailler le week-end.

L'épouse de Michel travaillait dans une entreprise de bâtiment qui fermait au mois d'août. Mais Michel a dû poser celui de juillet, car il fallait garder 50 % des effectifs tout l'été et beaucoup voulaient partir en août.

Lorsque je l'ai rencontré en formation management, sa hiérarchie envisageait de le rétrograder et sa femme était repartie chez sa mère avec leurs trois enfants.

Michel était un excellent chef d'équipe techniquement, mais il ne savait pas dire non ni s'imposer de peur de ne plus être aimé : son driver « fais plaisir » avait pris toute la place ! Un accompagnement sur l'assertivité s'imposait.

Je l'ai recroisé an après sa formation, il m'a dit que certes les gens de son équipe (qu'il n'appelait désormais plus « mes collègues » mais « mes collaborateurs ») l'aimaient sans doute moins mais le respectaient beaucoup plus et qu'il préférait être aimé de ses proches (sa famille était revenue) que des contacts professionnels avec qui l'empathie suffisait largement. Il attendait une promotion pour manager une autre équipe plus importante que la première.

Quelques conseils

Evitez de :

  • Répondre à chaud.
  • Ne pas donner de réponse à la demande.
  • Dire non à tout systématiquement et dire oui à tout systématiquement.
  • Imposer ses refus sans explication.
  • Montrer son embarras par le non verbal (ton de voix, mimiques, posture corporelle).
  • Ne pas écouter les enjeux cachés derrière la demande (degré d'importance pour la personne).
  • Refuser pour de mauvaises raisons (jugement personnel sur le bienfondé de la demande – exemple réel : un directeur d'agence bancaire refuse un congé de trois jours à un jeune conseiller qui veut jouer avec son groupe de musiciens dans un festival, avec pour seul argument qu'un banquier musicien, ce n'est guère sérieux. Le jeune homme a trouvé un autre employeur dans les trois mois qui suivaient, alors que c'était un excellent conseiller, ses collègues ont vivement manifesté leur désapprobation auprès du directeur d'agence et s'investissent moins dans ce qu'il leur demande).


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