Comment mener un entretien de recadrage avec un collaborateur ?

24/07/2015

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L'entretien de recadrage intervient dans une démarche de résolution de problèmes liés au facteur humain et, plus particulièrement, au comportement ou à l'action d'un individu. Lorsque vous constatez au quotidien un dysfonctionnement chez l'un de vos collaborateurs, il est important de le lui dire au plus vite.

Si le collaborateur ne change pas d'attitude, alors un entretien s'impose. D'où vient cette nécessité ?

Le fait de réaliser un entretien comporte deux aspects susceptibles de faciliter le changement :

  • Le caractère formel de l'entretien a comme conséquence de rendre ce qui est dit plus impliquant. Impliquant signifiant que ce que les interlocuteurs y expriment force plus à l'application.

  • Le temps que vous allez y consacrer permettra de mieux comprendre la situation du collaborateur. Or, cette compréhension est un facteur clé du succès du changement.

Pourquoi un collaborateur ne réalise pas ce que l'on souhaite de lui malgré nos rappels et nos remarques ?

Rappelons que toute personne met en jeu trois facteurs pour réaliser les résultats qui lui sont assignés :

  • du savoir-faire ;

  • du pouvoir-faire ;

  • du vouloir-faire.

Il est donc impératif de se préparer à l'entretien en analysant la situation du collaborateur. La question à se poser est la suivante : a-t-il le savoir-faire et le pouvoir-faire suffisants pour réaliser ce qui est souhaité ?

Il est nécessaire d'analyser ces deux facteurs en priorité, car ils représentent le socle absolument fondateur des capacités nécessaires pour atteindre les objectifs assignés. Il serait désastreux de recevoir notre collaborateur en entretien de recadrage pour nous apercevoir qu'il lui manque telle compétence ou tel outil.

En revanche, si votre analyse vous montre que ces deux facteurs sont présents, alors le problème provient du troisième facteur, le vouloir-faire, qui nécessite un recadrage.

Cet entretien est, en principe, individuel, mais il peut se faire, si besoin, en présence d'un tiers.

L'intéressé doit être informé au préalable :

  • de la date ;

  • de la raison ;

  • de l'outil utilisé (fiche d'évaluation).

Autant que faire se peut, il doit se dérouler en toute convivialité (un café ou un verre d'eau ou un verre de jus de fruit détend les participants).

Celui ou ceux qui ont procédé à l'analyse reçoivent l'intéressé et lui exposent :

  • ses qualités reconnues ;

  • les problèmes constatés ;

  • l'analyse des causes et comment elles se situent en terme de savoirs, savoir-faire, savoir-être.

Un débat s'ensuit : l'intéressé se positionnera par rapport à l'analyse (OK, pas OK, neutre).

Les prochaines étapes seront ensuite définies ensemble (si OK) ou de façon plus directive :

  • quels moyens seront mis en place et par qui pour résoudre chaque point ?

  • quelle aide d'autres intervenants, ou des participants eux-mêmes, peuvent-ils (avec leur accord) apporter à l'intéressé dans ce but ?

  • de quels délais dispose-t-il  (date du prochain entretien / bilan ou recadrage n° 2 à fixer) ?

L'entretien fera aussitôt l'objet d'un compte-rendu écrit qui sera signé par chaque participant.

Voyons cela plus en détail.

L'enjeu du recadrage

Le recadrage doit permettre de trouver une solution au dysfonctionnement en montrant au collaborateur comment changer d'attitude. C'est un dialogue, car cette ou ces solutions ne peuvent être établie(s) qu'en commun. Ce point est à nos yeux important car, souvent, le recadrage est conçu comme étant issu uniquement du manager. Nous verrons comment et sur quoi donner la parole au collaborateur.

Ensuite, il faut s'interroger sur les causes d'un manque de vouloir-faire, dernier des trois facteurs de performance. Il y a deux sources de manque de motivation :

  • soit cela vient de « l'extérieur » du collaborateur, autrement dit de son environnement ;

  • soit cela vient de « l'intérieur » du collaborateur, autrement dit de ses convictions et visions propres sur le métier et son environnement, voire d'une situation extraprofessionnelle qu'il vit à ce moment-là.

Prenons ces sources l'une après l'autre.

a) Les causes externes du manque de motivation

Nous trouvons deux causes externes qui peuvent inciter le collaborateur à ne pas faire ce qui est souhaité :

  • nous-mêmes en tant que manager : il s'agit de la façon dont nous lui demandons de faire ce que l'on souhaite. Il est alors possible que la manière selon laquelle nous nous exprimons ne soit pas comprise par le collaborateur. Cette cause est bien plus présente qu'on ne le pense, et un entretien est le bon moyen pour y remédier ;

  • les autres collaborateurs : l'entourage professionnel du collaborateur peut être source de comportements inappropriés. Par exemple, nous souhaitons qu'il arrive à l'heure sur les chantiers, mais il est dans une équipe où règne un grand laxisme. Nous désirons qu'il rende les fiches d'horaires remplies correctement, mais les autres disent qu'ils ne s'en préoccupent pas et cela n'est pas sanctionné. Si l'on se trouve dans cette situation, alors ce n'est pas le collaborateur qu'il faut recevoir, mais c'est toute l'équipe qu'il faut recadrer, et la réunion sera bien plus appropriée.

b) Les causes internes du manque de motivation     

Il y a toujours une raison pour laquelle nos collaborateurs ont décidé de ne pas faire. Cependant, ces raisons seront difficiles à détecter car elles sont cachées par de la mauvaise foi ou des alibis. Il faudra passer cette étape durant l'entretien.

Or quelles sont ces raisons ? Nous en distinguons deux :

  • des raisons liées à la situation personnelle du collaborateur :

    • une difficulté dans le couple ou avec un proche, des problèmes d'organisation de la vie quotidienne, etc., sont propices à détourner le collaborateur des attitudes nécessaires. En les détectant, il ne s'agit pas de les prendre en charge, car la vie privée doit s'arrêter au seuil de l'entreprise, mais il serait inutile de ne pas les entendre. Surtout, il est toujours possible de donner un avis et, au minimum, de savoir si cela est durable ou non. Cette seule attitude d'écoute et de compréhension peut être d'un grand secours pour faire évoluer la position du collaborateur,

    • des raisons liées à ses convictions : nous avons tous des préjugés ou des convictions sur notre entourage et sur les demandes qui nous sont formulées. Le problème est qu'ils peuvent aller à l'encontre des objectifs de travail, par exemple : « Je ne ferai JAMAIS d'heure supplémentaire », « Je ne partirai JAMAIS en vacances en Juillet », « Ne comptez pas sur moi pour passer ne serait-ce qu'une nuit à l'hôtel ! ».

L'entretien doit être l'occasion d'exprimer ces convictions et de les combattre. Il faut s'armer de patience, mais toute conviction est modifiable à partir du moment où on donne les raisons d'en changer avec des arguments rationnels.

Les étapes d'un entretien de recadrage

Nous vous conseillons de prévoir un calendrier précis (trois dates) pour faire le point des évolutions dans le temps :

Avant de décider d'une quelconque sanction, vous avez besoin de négocier avec lui une évolution professionnelle. Pourquoi ? :

  • d'abord pour remplir au mieux votre rôle de manager. Rappelons que le mot autorité vient du latin auctoritas qui signifie faire croître, faire grandir, augmenter ;

  • parce que l'être humain est perfectible et que les dysfonctionnements de votre collaborateur ne sont pas forcément volontaires, conscients. Nous distinguerons ici, en tant que manager, l'intention de l'intentionnalité ;

  • ensuite pour lui laisser une chance de s'améliorer. Là encore les latins disaient errare humanum est, persevare diabolicum : l'erreur est humaine, persévérer dans l'erreur est diabolique ;

  • et surtout parce que les sanctions ont un coût moral, social et économique qui limite leur efficience. Elles ne sont utiles qu'en dernier recours, après négociation.

1. Avant l'entretien :

  • préparez le dossier avec soin : faites une fiche synthétique des faits reprochés et avérés : des faits, des dates, des quantifications ;

  • listez et quantifiez, de façon concrète et factuelle, les impacts de ces dysfonctionnements, les coûts et nuisances pour l'entreprise, l'équipe et la clientèle ;

  • revoyez la fiche de poste de la personne, les compétences nécessaires pour chacune de ses missions. Notez les compétences requises, demandées, souhaitées ;

  • classez ces compétences en trois catégories : acquises, partiellement acquises, pas acquises. Vous pouvez créer un tableur à cet effet ;

  • listez les compétences non acquises ou partiellement acquises par ordre de priorité : vous pouvez difficilement demander à votre collaborateur de tout régler en une fois ; l'évolution est forcément progressive ;

2. Le premier entretien :

  • accueillez réellement la personne et son éventuel accompagnateur (représentant du personnel ou syndical, responsable direct si vous êtes le N+2, DRH). N'hésitez pas à lui sourire, voire à lui offrir un café : plus l'entretien sera détendu et plus les réalités seront aisées à nommer ;

  • présentez l'objectif de l'entretien : l'accompagner dans son évolution professionnelle, l'aider à progresser, trouver ensemble des solutions à ce qui pose problème, à vous comme, très probablement, à lui ;

  • commencez par rappeler les exigences de la fiche de poste et les compétences associées ;

  • détaillez-lui les compétences acquises, les missions correctement remplies, les réussites, remerciez-le de cela, faites-lui part de votre contentement à ce sujet ;

  • puis nommez-lui les compétences qui posent des difficultés, annoncez les faits reprochés de la manière la plus factuelle possible ;

  • écoutez en silence les réponses du salarié, reformulez-les et notez-les si vous n'en aviez pas connaissance au préalable ;

  • demandez-lui de quoi il a besoin pour progresser là-dessus, de vous faire une proposition de solutions (formation, tutorat, aménagement technique du poste, redéfinition ou partage des missions) et échangez avec lui sur les options possibles. Vous pouvez bien sûr suggérer des propositions en complément, mais rappelez-vous que celles initiées par lui susciteront davantage de motivation ;

  • listez ensemble les points problématiques et les solutions acceptées mutuellement et fixez un délai de résolution. Écrivez ensemble un rétroplanning d'actions mesurables et voyez qui peut être associé à la démarche (responsable direct, collègue du même ou d'un autre service, DRH, service formation). Ce sera un contrat de progrès que vous aurez à suivre dans le temps ;

  • fixez ensemble deux rendez-vous à un mois puis trois mois ;

  • cosignez le contrat de progrès avant la personne concernée. C'est un engagement mutuel qui responsabilise et a valeur probante ;

  • accompagnez-le à la porte avec le plus d'empathie possible, remerciez-le de la qualité de vos échanges.

3. Le deuxième entretien :

  • sur la base des mêmes documents, voyez ensemble ce qui a évolué, si les objectifs sont complètement ou partiellement atteints. Écoutez pourquoi ils ne l'ont éventuellement pas été et proposez des solutions. Montrez à votre collaborateur sa part de responsabilité tant dans la réussite que dans l'échec des solutions proposées. Dites-lui clairement ce qui est acceptable, négociable et ce qui ne l'est pas ;

  • exigez aimablement mais fermement la résolution de trois points prioritaires avant le dernier entretien.

4. L'entretien de clôture :

  • soit les points critiques ont été résolus à au moins 80 %, auquel cas il vous reste à féliciter la personne, l'encourager à continuer et l'accompagner dans cette démarche ;

  • soit l'évolution n'est pas suffisante et vous aurez à faire le choix d'une sanction que vous annoncerez clairement à l'intéressé.

Restez dans un état d'esprit ouvert, constructif, en vous rappelant que tout être humain a droit à l'erreur et est susceptible de progresser. Veillez à une analyse factuelle, fondée sur des éléments mesurables. Par exemple, reprocher à quelqu'un son manque de ponctualité n'est pas directement mesurable, alors que l'informer, que ses dix retards sur un mois (en précisant les dates) correspondent à deux heures quarante minutes, l'est. Restez calme, utilisez les outils de gestion du stress (respiration ventrale), restez concentré sur l'ici et maintenant en chassant les pensées parasites et autre jugements de valeurs. Associez le service RH à la démarche en amont et invitez-le à participer au dernier entretien en l'absence de progression. Si vous avez une relation constructive avec les partenaires sociaux, vous pouvez également les associer avec l'accord de la RH et de l'intéressé.

Veillez à ne pas « jeter le bébé avec l'eau du bain » : soyez conscient aussi des qualités de la personne, de son historique professionnel dans l'entreprise. Et surtout, gardez une discrétion absolue en dehors des personnes directement concernées.

Remarque : pensez à faire valider par l'intéressé le contrat de progrès lors de chacun des entretiens. Et rappelez-vous que donner des signes de reconnaissance conditionnels (précis et factuels), qu'ils soient positifs ou négatifs, contribue à renforcer la confiance en soi de votre collaborateur en favorisant son évolution et donc sa performance.

Quelques conseils

1. Faire émerger de réelles solutions, et établir un plan d'action

L'enjeu d'un recadrage n'est pas uniquement d'exprimer notre mécontentement. Il est impératif d'en ressortir avec une solution qui doit être mise en place.

Dans le cas contraire, vous aurez eu la possibilité de « vider votre sac » – cela fait du bien mentalement – mais malheureusement le problème resurgira dès les premières minutes après l'entretien.

2. Eviter de considérer a priori que votre collaborateur « devrait » le savoir

Face à certaines attitudes de notre collaborateur contraires à ce qui est souhaité, on peut considérer que c'est une marque manifeste de mauvaise volonté. Il « devrait » le savoir nous dit-on, par exemple parce que :

  • les autres le font bien ;

  • ça fait longtemps qu'il est dans le service ;

  • à ce poste, on a toujours fait comme cela, etc.

Cet a priori masque la conviction que le collaborateur le fait exprès dans l'intérêt de nuire.

Il est très dangereux de se laisser guider par cette conviction. D'une part elle ne permet pas de s'intéresser aux vraies causes éventuelles, et d'autre part si cette volonté de nuire s'avère réelle, elle est tout autant issue de causes qu'il faudra faire émerger et retourner.

Autant donc prendre le temps de l'analyser et de jouer « cartes sur table » avec votre collaborateur.


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